Rencontre avec Michel Haillard, un artiste venu d’ailleurs


Rencontre avec Michel Haillard
En cet après-midi d’hiver du 3 février 2014, je me suis rendue dans le quartier de Belleville, et plus exactement dans le onzième arrondissement de Paris, rue Morand, où se trouve l’atelier de Michel Haillard, un artiste venu d’ailleurs. A l’occasion de cette rencontre organisée par lui-même et par Nathalie Touzain, j’ai pu pénétrer dans l’univers fabuleux de Michel Haillard. Voici notre rencontre qui a merveilleusement duré plus de trois heures, la visite de l’atelier et l’interview de l’artiste :

Notre rencontre

Après nous être salués, Michel Haillard me met tout de suite à l’aise, avec une simplicité et un accueil très chaleureux. Nathalie Touzain arrive ensuite et nous prend en photo.

Floriane Lemarié et Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Nathalie Touzain )

Porte grande ouverte, installé à son bureau et entouré de sa nouvelle collection « Python & Parures », Michel Haillard me reçoit chaleureusement à côté du fauteuil « Raptor » en peau de Python, en forme de point d’exclamation et qui s’étire comme un serpent.

Bureau de Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard (Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Fauteuil Raptor

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Je suis alors plongée dans un univers où la Préhistoire rencontre le monde contemporain avec une profusion de matières aussi douces, belles et riches qu’énigmatiques, que l’on a envie de toucher et où l’on ne résiste pas à la tentation de s’y lover.
D’ailleurs, je n’ai pas résisté !

Voici Roukmout, un fauteuil sonore composé de cheval de Mongolie, de cornes de buffle et d’un gros grelot de bronze ancien.

Floriane Lemarié, fauteuil Roukmout

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Nathalie Touzain)

Fauteuil Roukmout

Rencontre avec michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

La méridienne Monk est en peau de vache du Brésil avec des cornes de koudou et de buffle, et de plumes de coq.

Méridienne Monk

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Le fauteuil Handi est en peau de crocodile avec des cornes de waterbuck et de koudou, liées par des petits serpents de bronze.

Fauteuil Handi

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Habilis est un fauteuil recouvert d’une peau d’autruche et d’un dragon en bronze qui lui confère un rendu unique.

Fauteuil Habilis

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Un peu plus loin, un tableau attend, entouré de parures, d’un luminaire, de coiffes, de dessins …

 Visite de l’atelier

Michel Haillard nous emmène dans son atelier et se dirige tout droit vers un banc en cours de réalisation, trônant sur une table de travail. Il est déjà bien avancé et s’expose sur fond de cornes par centaines.

Banc en cours de fabrication par Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

L’antre de Michel Haillard recèle de milliers de matériaux, cornes, crânes, peaux, bronzes,…

Véritable caverne d’Ali baba, où toutes les pièces sont néanmoins rangées et classées avec méthode.

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard & © Floriane Lemarié)

Je ressens que l’atelier possède une âme, même au repos, où les matières attendent d’être assemblées, travaillées et recréées pour renaître sous une nouvelle forme.
Ainsi, tel un chirurgien, Michel Haillard choisit objets et matières, qu’il a chinés au fur et à mesure de ses rencontres, selon leurs formes et leurs affinités. Entouré d’outils, de résine et de bien d’autres matériaux, il travaille sur sa « table d’opération » où il greffe des cornes sur du bois pour faire cohabiter des matériaux différents, dans le but de former un tout, mais sans en dévoiler les articulations. Puis, tel un joaillier, il pare son œuvre de bijoux de bronze pour la sublimer.

Michel Haillard dans son atelier

Rencontre avec Michel Haillard

(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Nous rejoignons le bureau.

L’interview de Michel Haillard

Confortablement installés, l’artiste nous offre un café (nous en boirons plusieurs !). L’interview commence :

Vous voyez-vous plutôt artiste, artisan, ou encore designer ?

« Très clairement, plutôt artiste ! Et même anti-design… Le propos de l’artiste fait que l’objet a un sens, au contraire du designer qui conçoit pour produire industriellement et reproduire son objet pour le distribuer au plus grand nombre. Je crée des pièces uniques, plutôt exclusives en utilisant des matériaux rares dans le plus grand respect de la nature, en veillant à ne pas décimer une espèce en danger. Utiliser une belle peau d’un animal ayant vécu quatre vingts ans est une façon d’honorer les matériaux et la bête qui mérite notre respect. Je ne suis pas non plus artisan, métier qui impose des règles et des façons de faire très rigoureuses. Je déteste faire des plans ! Si je donne un mauvais coup de scie, je trouve toujours une solution pour contourner l’obstacle en essayant de sublimer ma création. Alors, oui, je me vois plutôt artiste avec beaucoup de libertés que n’ont pas les artisans ou les designers qui répondent à une demande et des contraintes spécifiques. »

La vision de l’artiste

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Où trouvez-vous votre matière première ? Comment la choisissez-vous ?

« Je la trouve à travers mes rencontres et dans les brocantes. C’est aussi une rencontre avec les matériaux. Lorsque j’entre dans une brocante, il y a toujours une corne qui m’attend. Je travaille également avec des fournisseurs pour les peaux dans le respect de la législation. »

Crâne

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Vous utilisez des matières animales, existe-t-il des réglementations spécifiques concernant les peaux ou encore les cornes d’antilopes ? Vous heurtez-vous à des difficultés quant à leur utilisation ?

« Oui il existe des lois. Je possède un recueil réalisé par les services canadiens de la faune, avec le descriptif de tous les animaux avec leurs noms latins (CITES et convention de Washington), tout d’abord à partir de leurs formes, puis de l’animal. Ensuite, les animaux sont répertoriés pour savoir s’ils sont en voie de disparition ou non. Je n’utilise pas les matériaux animaux s’ils sont protégés ou en voie de disparition. Mon but est de sublimer ces matières pour donner une deuxième vie à ces êtres qui ont vécu, dans le plus grand respect. Sinon, oui, il arrive que lors d’un salon, quelqu’un s’offusque de l’utilisation de ces matières, mais sur mille, il y en a à peu près un seul qui s’indigne…»
(La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington, est un accord international entre États. Elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent).

Lorsque vous créez, peut-on considérer que l’assemblage en lui-même est déjà une création en juxtaposant des anciens matériaux chinés ? Avez-vous déjà une vue d’ensemble de ce que donnera le résultat ?

« Oui, j’ai une petite idée de ce que donnera le résultat. L’assemblage est en lui-même une création ou j’invente sans cesse des solutions. Je suis né d’un père menuisier qui réalisait des plans au millimètre. Moi je crée en partant de mes erreurs ! Si je donne un mauvais coup de scie, j’essaie de créer une alchimie entre moi et l’objet pour trouver une solution. L’œuvre se crée petit à petit. J’ai sans doute un peu hérité du compas dans l’œil, mais je ne fais pas de plans. Je choisis mes bronzes, cornes et peaux pour les mettre en valeur en respectant leurs formes qui deviendront sculptures et ornementations pour former un tout. J’ai toujours une certaine idée de l’aura d’une pièce…».

Banc, atelier Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard
(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Les bronzes que vous utilisez dans vos créations sont ils récupérés ou créez-vous vos propres modèles ?

« Je les trouve au hasard de mes rencontres et dans les brocantes. Je chine et lorsqu’une pièce me plaît, je la prends. Je la réutiliserai par la suite. Mais je réalise aussi mes propres bronzes comme ce lézard par exemple que j’ai dessiné, moulé et coulé moi-même.»

Lézard en bronze par Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Créez-vous à l’inspiration, ou pour des commandes clients?

« La demande des clients m’inspire ! C’est aussi un challenge qui m’oblige à traiter mes créations autrement. Si je crée un lit par exemple, il faut que je veille à son confort mais aussi à la disposition de la structure. Il faut éviter des se cogner les genoux ! Il en est de même pour les assises.»

« Phineas » peau alligator, tubes de cuivre, bronze, bakelite, cristal, cornes de nyala

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Vous arrive-t-il d’effectuer des installations chez un client ou de créer directement une œuvre sur place ?

« La plupart du temps, je crée à l’atelier et je fais les finitions sur place. Il n’est pas facile de travailler directement sur les lieux à cause des saletés engendrées par la fabrication ou la place nécessaire sur les lieux. C’est important de respecter les lieux, donc le montage final est effectué après. Mais j’ai parfois des interactions intéressantes avec le client qui participe à la finalisation de l’installation ! Il m’est arrivé d’emmener un client chercher du durcisseur dans un magasin pour finir une œuvre sur place. Mon client est alors de connivence et prend part à la finalisation. C’est très agréable. »

Installation d’une bibliothèque par Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Comment se déroule une journée type ? Pouvez-vous nous la raconter ?

« Je n’ai pas vraiment de journée type. Toutefois, le matin, je consacre mon temps à tout ce qui est administratif jusqu’à l’heure du déjeuner auquel j’attache beaucoup d’importance. Après, je me consacre à la création, car j’ai beaucoup plus de temps, sans être interrompu. »

Nathalie Touzain intervient :

« Michel Haillard a le sens du temps. Le temps est adopté et le temps est son ami… »

Michel Haillard :
« Oui, j’ai été Free-lance très tôt. Je m’impose un rythme sans doute plus dense et plus rapide qu’un salarié, mais oui, le temps est mon ami! »

Rencontre avec michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Pouvez-vous me décrire l’équipe « Haillard »? Quels corps de métier interviennent ?

« Il y a les fantômes de l’atelier qui passent et échangent sans cesse. Il y a Jean-Luc, Jacques, Séverine qui est une masse qui virevolte et apporte de la fraîcheur, Vincent qui a fait le site internet et le graphisme, Laura qui est stagiaire, l’expert comptable, les deux tapissiers, Samuel et Catherine, ma femme Catherine qui est la gardienne du temple, et Nathalie.
Les corps de métier qui interviennent sont les créateurs, le menuisier, les tapissiers. Nous travaillons suivant la culture anglo-saxonne, basée sur le relationnel avec une approche globale, dans une grande souplesse, dans le mouvement et l’énergie, et où les gens se rassemblent. »
(Séverine Messier, Jean-Luc Bonicel et Jacques Yacoubi autour de Michel Haillard ont fait naître les accessoires)

L’équipe Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photos : © Michel Haillard)

Les influences de Michel Haillard

D’où vous vient l’inspiration ?

(Grande inspiration….) « J’inspire…je respire ! J’inspire les choses et les expire sous une autre forme. J’ai toujours eu envie de créer des mondes et j’ai une attirance physique pour les os et les cornes. Je ne m’inspire pas d’un objet ou d’un courant en particulier. Je me nourris de tout, j’invente et je crée des univers. »

Cornes

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Lorsque j’observe votre travail, je trouve que les lignes généreuses et décalées peuvent se rapprocher du style baroque par les formes exubérantes et décalées de vos créations, de l’art nouveau de par les détails expressifs et les formes organiques de vos meubles, le naturalisme pour la création, la vision, la peinture, le tempérament, l’intuition, l’expression personnelle, l’abondance et l’emploi de matériaux naturels, et enfin le steampunk rétro-futuriste avec l’assemblage d’objets du passé sur des objets du présent.
Diriez-vous que vous vous inspirez d’un de ces courants ?

« Je ne suis pas un courant en particulier. Je suis inspiré par mon environnement et j’essaie d’inventer un monde qui n’existe pas. Ayant passé deux ans dans la publicité, donc à une époque hyper-réaliste, j’ai bien sûr des références comme René Magritte. Cette époque se situe avant la retouche photo, où la facture de la peinture avait une volonté de la véracité de l’image. Mais la peinture s’effaçait derrière l’idée. J’essaie d’aller à contresens.
Le baroque, le rococo, oui, mais sans les suivre. J’utilise des fauteuils « Louis » et les transforme en nouvelle création. Ce qui m’inspire, c’est l’archéologie, la civilisation, les gens comme Jean-Pierre Jeunet, Pierre Desproges
Le steampunk, oui, mais pas pour le côté industriel, seulement pour les objets du passé assemblés sur des objets du présent.
Mais en définitive, je ne me compare à aucun courant, je m’inspire de mon environnement et de mes rencontres. »

Mobilier

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Vous avez réalisé des dessins animés notamment avec la série Sharky et Georges en tant que réalisateur, auteur graphique et co-scénariste avec Patrick Régnard puis scénariste à plein temps. Alors, quelles sont les motivations qui vous ont poussé à réaliser ce métier et cesser vos activités de scénariste?

« Sharky et Georges » m’ont amené à faire de la sculpture. C’est aussi une rencontre avec des gens qui ont monté la télé malienne. Lorsque j’ai commencé à écrire des scenarii, j’étais très libre. Personne n’intervenait dans l’écriture et nous avons pu réaliser près de 104 épisodes en ayant carte blanche. Aujourd’hui, c’est plus difficile… (filmographie : Robinson Sucroë 1994, films d’entreprise pour la télévision, Sharky et Georges…).

Rencontre avec Michel Haillard

J’ai un parcours en « passage ». Par ailleurs je forme des coachs à l’art thérapie. Je travaille avec les émotions et la matière humaine, le corps. Il est très agréable de voir que lorsqu’on plante une graine, les gens prennent conscience que des choses se sont passées. C’est une expérience d’acte créateur très enrichissante sur fond de partage et de rencontres.
J’avance, sans regret aucun et je continue d’explorer, de créer et de m’enrichir. »

Vous êtes dessinateur et êtes diplômé de l’École supérieur des arts modernes de Paris. Utilisez-vous toujours le dessin aujourd’hui dans votre processus de création ?

« Oui, bien sûr ! Je les utilise pour les clients et aussi pour créer l’impossible ! »

Michel Haillard nous montre ses dessins :

Rencontre avec Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Aujourd’hui, vous évoluez encore en créant des peintures. Serait-ce un retour à vos amours premières, un retour vers le dessin ?

« J’avais très peur de la peinture ! J’ai fait de l’illustration qui est totalement différente de la peinture. Pour moi, le peintre est frustré, au service d’un sujet. J’ai dû exprimer mes idées en projetant de la matière, et en utilisant de plus en plus de matériaux pour que la peinture devienne sculpture. Je retourne toujours à la matière, où la technique employée sur mes tableaux se retrouve sur la patine de mes meubles. Mais la peinture est un lâcher prise sur l’acte créateur. Elle est sans alibi par rapport à la création d’un fauteuil par exemple, et offre une grande liberté de création. »

Tableaux de Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Un peu de psychologie

Vos créations révèlent un aspect durable, stable, résistant, utile. En effet, lorsque vous parlez de vos assises par exemple, vous insistez sur le caractère résistant, confortable et utile du meuble, où l’objet et l’utilisateur ont une relation intime. Vous redonnez vie à de vieux matériaux, objets ou matière animale, qui ont vécu pour créer de nouveaux êtres et vous marquez vos créations de votre nom.
Avez-vous peur de la mort et du vide? Est-ce pour vous l’occasion de manipuler la mort pour vivre et faire revivre éternellement, en inscrivant votre nom dans le patrimoine?

« Je connais bien le milieu de la campagne. On y tuait les lapins et leurs peaux étaient utilisées. Pour la petite histoire, j’ai assisté à la mort « manquée » d’un cochon ! Il aurait dû être tué mais il s’est enfui ! Ma mère m’a protégé et emmené loin de la scène et je n’ai donc pas assisté à sa mort. J’ai retrouvé le cochon sous forme de boudin uniquement ! Il est donc possible que j’essaie d’élucider ce mystère qui est le passage entre la vie et la mort, puisque je n’y ai pas assisté, par curiosité, mais aussi par respect.
J’ai un rapport plutôt joyeux avec la mort. Je ne la prends pas au sérieux. Il existe d’ailleurs une fête des morts au Mexique… (éclats de rires) Ce n’est pas un sentiment mélancolique, mais plutôt tourné vers le grotesque et le burlesque. J’y suis attaché de par mes racines, mais aussi pour aller vers la joie. Je ne me tourne pas vers le passé et n’ai aucun regret.»

Masque de Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard
(Crédit photo : © Floriane Lemarié)

Vous travaillez chez « Tribale Poursuite », vous n’hésitez pas à vous présenter habillé de peaux de bêtes, votre filmographie est non dénuée d’humour. Vous êtes quelqu’un de plutôt joyeux, voire drôle ?

« Oui. Pour moi, un artiste est un bouffon qui révèle la vérité. Le bouffon se moque du roi en toute impunité et peut outrepasser les limites. Si c’est juste pour faire du beau, je pense qu’il n’ y a pas d’utilité à l’art. »

Michel Haillard/Dali

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Quelle influence votre métier a-t-il sur votre vie privée ?

« En général, les gens aiment ce que je fais et ce que je suis. Je ne triche pas. L’influence de mon métier sur ma vie privée, ce sont les rencontres, les rapports francs et directs, le partage. »

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Comment est-ce meublé chez vous ? En d’autres termes, « Haillard » se meuble -t-il chez « Haillard » ?

« Oui et non… Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ! J’ai bien sûr des objets, ou meubles qui sont mes créations, mais ils sont beaucoup moins confortables que ceux que je réalise pour des clients. Et puis il y a ma femme Catherine, qui trouve que je n’ai pas de goût pour la décoration ! (rires) D’ailleurs, ma femme travaille avec des animaux vivants, elles est comportementaliste  et intervenante en Médiation Animale et nous avons des animaux vivants à la maison (chats, chiens) ! (rires)

Nathalie intervient :
« D’ailleurs Michel Haillard les regarde avec envie ! » (rires)

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ? Je crois que vous travaillez actuellement sur une œuvre monumentale en Mongolie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

« J’ai un banc en cours de réalisation pour un client et effectivement, je travaille sur une œuvre monumentale en Mongolie. Pour l’instant la réalisation s’effectue à Pékin.
Des os de dinosaures ont été découverts en Mongolie. C’est sur cette base que se construit Genesis Khan, une sculpture de huit mètres de haut. Il s’agit d’un trône en métal avec des os de dinosaures et un casque mongole. L’œuvre sera en réalité créée trois fois : une fois en terre pour vérifier la forme, une seconde fois en fibre de verre et une troisième fois en métal. La fibre de verre sera retirée ensuite. L’œuvre devrait être terminée en juin 2014. »

Genesis Khan, oeuvre monumentale en Mongolie

Rencontre avec Michel HaillardRencontre avec Michel Haillard(Crédit photos : © Michel Haillard)

Le mot de la fin ?

« J’ai soif de liberté, d’aller au-delà des apparences pour me diriger vers le partage. Je crée des univers, des objets emprunts d’histoire qui renaissent sous de nouvelles formes pour communiquer à travers les âges avec les hommes et les animaux, avec passion, humour, cœur, émotion et respect. »

Fin de l’interview.

Michel Haillard a un rendez-vous et nous devons nous quitter, notre entrevue a duré plus de trois heures et je n’ai pas vu le temps passer. Nous nous saluons et je repars nourrie de belles rencontres (Michel et Nathalie) et avec des ouvrages de l’artiste.

Mes impressions sur notre rencontre

Michel Haillard est un personnage accessible, simple, sincère, généreux, chaleureux et non dénué d’humour!
Sculpteur de mobilier, il réalise des créations à la fois esthétiques et fonctionnelles qui vous transportent dans un univers bestial et fantastique à la fois, où le meuble et le corps entretiennent une relation intime.
Inspiré par tout ce qui l’entoure, la mémoire de la terre, des animaux et des hommes, l’expression de la vie et de ses ressources, l’artiste aime créer des univers où la mort n’est présente que pour redonner la vie.
Avec une intention stylistique marquée, emprunte d’animalité, Michel Haillard utilise la matière animale avec enthousiasme et audace, et la matière organique comme structure ornementale, dans l’intention de transformer le meuble en sculpture interactive, où l’utilisateur et le mobilier communiquent. (Sur le mobilier, où chaque pièce est unique, vous pourrez trouver la « griffe » de l’artiste, apposée avec un fer à chaud, marquant chaque « meuble animal » de son nom. La « bête » est ainsi tatouée !)

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Au delà des aspects fantasmagoriques de mondes inventés de toute pièce, l’artiste n’en a pas moins les pieds sur Terre. Il étudie minutieusement l’assemblage de ses sculptures de mobilier pour que les formes exubérantes du meuble trouvent leur équilibre, tant dans leur esthétique que dans leur fonctionnalité. Michel Haillard risque habilement la combinaison de formes complexes à la façon d’un équilibriste, tout en concevant stabilité, confort, fonction et utilisation. Il prépare la structure de son œuvre en adaptant les aspects techniques de fabrication afin que les autres corps de métier comme le tapissier puissent exercer leur savoir-faire le plus confortablement possible.

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Une autre vision de la créativité de Michel Haillard : la peinture, tournée vers le visuel, un support qui se regarde simplement mais qui ne se touche pas. Michel Haillard y projette  de la matière avec puissance pour qu’elle puisse rebondir vers les spectateurs.

« Sweet Little Sixtine » par Michel Haillard

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Enfin, un travail d’équipe avec les parures qui sont créées dans l’atelier avec Séverine Messier, Jean-Luc Bonicel et Jacques Yacoubi, parures parées elles aussi d’os, pierres, fourrures, vanités, plumes, liens de cuirs et de peaux.

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Créateur prolifique d’objets dont la concrétisation tactile et visuelle étonne et surprend, Michel Haillard interprète sa vision de la vie comme un échange intense entre l’objet, l’homme et l’animal, selon un monde « tribal » doté de raffinement. Par la création de son univers magnifiquement raconté, il rend hommage à l’animalité et nous projette de manière personnelle et fantastique vers le dépaysement, où l’art devient un art de vivre.

Magnifique rencontre !

En savoir plus sur Michel Haillard :

Michel Haillard naît le 23 octobre 1959 à Saint–Denis(93). Il est diplômé de l’École Supérieure des Arts Modernes (section Décoration et Publicité) en 1979.
Il débute sa carrière comme dessinateur humoristique free-lance pour Philips, Virgule, Help, Fondamental, etc, et réalise et signe des scenarii de films/vidéos d’animation institutionnels pour des clients tels que le Crédit Agricole, France Télécom, les Câbles de Lyon, CCAS, la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris entre autres.
Dès 1992, Michel Haillard a sa première exposition de sculptures au Village Saint-Paul à Paris. Venant du monde de l’animation et de l’écriture de scenarii, il va créer et réaliser une série de dessins animés intitulés « Sharky et Georges » comptant au total 104 épisodes entre 1987 et 1991. Depuis plus de quinze ans, Michel Haillard se consacre exclusivement à l’activité plastique, que se soient des univers entiers, des parures fantasmagoriques, ou encore, des sculptures et des peintures. Il compte de nombreuses collaborations avec des décorateurs comme Philippe Starck et pour des clients prestigieux comme Guy de la Liberté.

Portrait de Michel Haillard par Shane Wolf

Rencontre avec Michel Haillard(Crédit photo : © Michel Haillard)

Son site internet : http://www.michel-haillard.com/

Floriane Lemarié

 

 

 

 

6 Replies to “Rencontre avec Michel Haillard, un artiste venu d’ailleurs”

  1. Floriane, vraiment passionnant ce reportage. Merci pour cette belle découverte d’un artiste très talentueux et hors norme comme j’aime…!!! Bravo et continue ce beau travail…. A bientôt je t’embrasse.

  2. Connaissant Michel Haillard depuis des années je voudrais ajouter à votre magnifique document qu il s’agit d’un transformer et un perforer. Attendez vous donc à toujours le redécouvrir avec surprise et émerveillement. La terre et le feu se mêlent en lui mais la générosité ruisselle et la fraicheur de l’âme apaise le visiteur auprès de ce roc dont les failles laissent des faisceaux de lumière nous émouvoir. Il est un véritable ami.

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